Épisode 9/Avril 2022
Helen Antoniou : Comment votre entreprise peut-elle devenir un effort d’équipe?
Quand les affaires prospèrent, une équipe pour gérer vos inscriptions, clients potentiels et tâches administratives peut être votre planche de salut. Mais comment trouver les bonnes personnes? Surtout, comment mobiliser ces personnes, leur donner les moyens de réussir et les garder pour assurer la réussite de votre entreprise?
Dans l'épisode 9 d'EN DIRECT, nous accueillons Helen Antoniou, coach exécutive auprès de dirigeants d'entreprise et de propriétaires d'entreprises familiales. Apprenez comment les courtiers et agents immobiliers peuvent renforcer leur esprit d'équipe et leurs capacités en leadership à mesure que le milieu de travail évolue.
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Transcription de l'épisode
Esther Bégin : Bonjour. Mon nom est Esther Bégin, je suis journaliste et chef d'antenne à CPAC et je vous souhaite la bienvenue à l'émission EN DIRECT. La question qu'on va se poser aujourd'hui est la suivante: comment votre entreprise peut devenir un effort d'équipe? Lorsque les affaires sont florissantes, c'est tout naturel d'embaucher du personnel pour vous aider à gérer vos inscriptions, repérer les clients potentiels et s'occuper des tâches administratives. Mais comment s'y prendre pour trouver les bonnes personnes? Comment développer leur potentiel et les garder motivés pour contribuer à la réussite de votre entreprise? Notre invitée aujourd'hui est Helen Antoniou, qui est coach dans le domaine exécutif pour les dirigeants d'entreprises et les propriétaires d'entreprises familiales. Le but de notre conversation aujourd'hui, ce sera donc de voir comment les courtiers immobiliers peuvent renforcer leur esprit d'équipe et leur capacité en leadership à mesure que le milieu de travail évolue. Alors, sans plus tarder, bonjour Helen.
Helen Antoniou : Bonjour Esther.
Esther : Merci d'être avec nous.
Helen : Ça fait plaisir.
Esther : Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais qu'on parle de vous Helen, de votre parcours parce que souvent, le parcours des courtiers immobiliers est atypique et votre parcours à vous aussi n'est pas vraiment conventionnel. Vous êtes avocate spécialisée en droit commercial, vous avez été directrice du développement dans une grande entreprise, vous êtes également mère de famille. Parlez-nous un peu de vous, de vos origines et racontez-nous comment votre carrière a évolué.
Helen : Alors, je vais commencer du début. Mes parents ont immigré de la Grèce au Québec au début des années 60. Je suis née à Montréal, au Québec et comme plusieurs entrepreneurs immigrants, l'emphase de toute mon enfance était sur l'éducation. Alors, il fallait réussir parce qu'il fallait avoir une profession pour avoir de la stabilité et de la sécurité. C'est souvent la mentalité comme ça qui prône. Du cégep, je suis allée en droit et j'ai fait mes études de droit assez jeune, j'avais 21 ans et j'ai commencé à travailler à un grand cabinet, ici à Montréal et à Londres, également en corpo. Il faut dire qu'à cette période là, j'ai fait ça pendant trois ou quatre ans et j'ai réalisé assez rapidement que je me demandais: « Est-ce que c'est ça que je veux faire le restant de ma vie? Est-ce que je vais peser sur le bouton du 56ᵉ étage, la tour CBC, qui se trouve au coin de René-Lévesque et Pearl? » La réponse était: « Non, je dois faire autre chose. »
Alors, j'ai décidé de retourner aux études — j'aimais beaucoup l'école — et j'ai décidé d'aller faire une maîtrise. Je suis allée à Harvard faire une maîtrise en santé publique, ce qui m'a amenée à travailler avec une boîte de conseil en gestion et organisation. Je travaillais sur un projet de fusion d'entreprises qui se passait en Europe. J'ai déménagé à Paris pour ce projet-là et je suis restée pendant cinq ans. Entre-temps, mon père est tombé malade et donc, je suis revenue après ces cinq années pour être avec lui. Éventuellement, je me suis réintégrée, j'ai pris un poste chez Bombardier ici à Montréal, et éventuellement, c'est dans ce cadre-là que j'ai découvert le coaching et après une autre étape, je me suis lancée dans le coaching.
Esther : J'aimerais savoir concrètement : ça fait quoi dans la vie un coach en leadership?
Helen : C'est une très bonne question. Je me la fais poser assez régulièrement. Un coach, c'est un partenaire de travail. Le coach vient avec toi, et contrairement à psychologue qui fait un peu l'étude derrière, le passé, comment il t'influence aujourd'hui, un coach travaille avec l'individu pour définir c'est quoi sa vision pour le futur et c'est quoi sa vision pour lui-même ou elle-même personnellement, c'est quoi les faiblesses et les forces qui les mènent vers ce futur-là et les choses qui devraient être corrigées? C'est vraiment un partenariat égal. Le coach s'assoit avec la personne pour poser des questions, pour la pousser à réfléchir. Je donne des exercices de session en session pour que la personne puisse s'observer, puisse prendre conscience de ses lacunes ou de ces choses et ça aide à faire ça. C'est contrairement au mentorat, par exemple. Le mentorat, c'est quand on s'assoit avec une personne avec grande expérience qui nous partage sa propre expérience personnelle et puis on en tire des leçons. La coach ne donne pas de leçons, c'est plutôt comme un outil de réflexion, c'est un outil qui te permet d'avancer.
Esther : C'est comme un service d'accompagnement finalement.
Helen : On peut dire oui.
Esther : Quel a été l'étincelle qui vous a amenée au coaching? Qu'est-ce qui s'est passé à un moment donné dans votre vie professionnelle pour que vous vous disiez: « C'est ça que je veux faire. »
Helen : C'est drôle parce que j'étais chez Bombardier et puis il y avait une transformation culturelle qui se passait à l'entreprise. Ils avaient choisi certains leaders à être les agents de transformation et comme j'avais fait plusieurs projets de réorganisation, des choses comme ça, pour d'autres raisons, j'imagine, j'ai été choisie à être une de ces personnes-là et dans ce contexte-là, ils nous offraient du coaching. C'était la première fois que j'avais ça. En passant les séances de coaching, j'ai réalisé à quel point c'est un levier important pour un gestionnaire. Moi, j'avais une équipe et je faisais de mon mieux. J'étais avocate qui est devenue consultante, qui après, est allée à l'entreprise, je n'avais jamais eu vraiment de formation en gestion et ce que le coaching t'amène, c'est une clarté de self-awareness, de pouvoir te voir toi-même.
Helen : Ça, c'est la base qui te permet à faire des pas vers le changement. Et si tu veux progresser, il faut savoir où sont tes lacunes et on en a tous. Donc, j'ai trouvé que c'était vraiment un outil très puissant. Et toutes ces questions de: « Qu'est-ce qui fait évoluer l'humain? Qu'est-ce qui fait changer l'humain? Qu'est-ce qui le motive? Qu'est-ce qui le garde engagé? » ont toujours été des questions qui m'ont vraiment intéressée. Moi, j'ai eu mes enfants tard, dans ma quarantaine, et une fois que j'étais finalement enceinte, le travail était le centre de ma vie et je me demandais: « Est-ce que je vais continuer à travailler avec des enfants? » Je ne voulais pas faire ça parce que j'avais attendu assez longtemps pour les avoir donc, je me suis dit: « Tiens, le coaching pourrait être quelque chose non seulement qui m'intéresse, mais qui pourrait être adapté à ma vie et que je pourrais utiliser pour mon futur. » C'est là où je suis allée faire mon cours et puis ça fait maintenant environ dix ans que je le pratique.
Esther : Vous êtes aussi auteure. Vous avez écrit un livre qui s'intitule Le retour à la bière et au hockey, qui est un best-seller du Globe and Mail et dans lequel vous racontez l'histoire de votre beau-père, Eric Molson, un homme d'affaires qui est avantageusement connu au Canada. On apprend dans votre livre comment Eric Molson a été le sauveur de l'entreprise Molson, qui est devenue une des plus grandes brasseries au monde. Parlez-nous de l'approche de votre beau-père en matière de leadership. Comment Eric Molson a exercé son leadership?
Helen : C'est super intéressant parce que j'ai écrit le livre en même temps que je faisais mon coaching. Je regardais Éric, en écrivant sa biographie, avec le même œil que je regardais n'importe quel autre dirigeant. C'était assez intéressant, on parle de sauveurs. Un sauveur, ça amène toujours à la tête l'image de quelqu'un qui est en avant, qui est le héros. Éric, c'est tout le contraire et c'est pour ça qu'il m'a fasciné autant — par le fait que c'est mon beau-père — Ça m'a fasciné parce que c'est un homme introverti, c'est un homme qui est derrière les scènes, c'est un homme qu'on ne voit pas dans tous les journaux, on ne le voit pas du tout en fait, et même si on est dans une salle avec lui, peut-être qu'on ne va pas le remarquer. Un homme qui n'est pas le Jack Welch qu'on connaît ou le Elon Musk, le je ne sais pas, ce qu'il a réussi, c'est qu'il a pris Molson quand c'était une entreprise qui était diversifiée dans cinq-six différentes business, il entre et l'a transformée pour retourner à la bière et après pour la porter mondialement pour maintenant que ça devienne Molson Coors, qui est quand même la cinquième plus grande au monde.
Helen : C'est quand même une réussite assez exceptionnelle mais il a toujours géré ça de derrière. C'est pour ça que je trouve ça incroyable.
Esther : C'est intéressant parce que l'image qu'on a du monde des affaires, souvent, c'est celle de gens forts en gueule, avec de gros egos qui aiment occuper l'avant-scène alors que vous, Helen, vous nous parlez de l'humilité de votre beau-père, un être qui semble introverti, je dirais, mais qui a réussi à mobiliser à sa façon quand même, à ne pas confronter. Alors, qu'est-ce que les propriétaires d'entreprises, qu'est-ce que les courtiers immobiliers peuvent apprendre d'Eric Molson?
Helen : On apprend de ses qualités et aussi de ses défauts, juste parce qu'il y a de belles qualités mais aussi, vous avez mentionné Esther, qui n'aime pas la confrontation, et ça, pendant son parcours, ça l'a nui. Des fois, on voit dans le livre qu'il a hésité à prendre des décisions qu'il aurait dû prendre pendant un certain temps. Et ça, ça l'a nui et il a réussi à s'en sortir mais on voit que ça aussi, c'est quelque chose qu'on peut apprendre de lui. Mais vraiment, ce qu'on peut apprendre, moi je trouve c'est-il a très fort sa capacité d'écoute. On sait tous que l'écoute, c'est important, mais on se trompe trop souvent dans où on parle à quelqu'un, on écoute simplement pour répondre. On pense plus à notre réponse qu'on écoute la personne qui nous parle tandis qu'Eric a vraiment cette capacité-là d'écouter, d'intégrer et de prendre la perspective de l'autre en lui parlant. Ça, c'est l'écoute qui est super importante.
Helen : La deuxième chose, c'est qu'il savait bien s'entourer. Éric se connaissait très bien. Il savait qu'il n'était pas quelqu'un qui était extraverti, il savait qu'il n'était pas un très bon lecteur des personnes parce qu'il faut savoir qu'Eric est un chimiste. Il a étudié la chimie et il a fait sa thèse sur la levure si vous pouvez le croire. Il était maître brasseur. La bière, c'était sa vie mais il n'était pas quelqu'un qui pouvait lire les personnes très bien. Et donc à l'époque, il savait s'entourer. Par exemple, sur son conseil d'administration, il avait invité à venir Luc Beauregard, qui était un personnage assez influent à Montréal, qui était très bon à ça, qui était très bon à lire les gens, à comprendre les gens. Donc ça, c'est bien s'entourer pour combler nos faiblesses mais pour le faire, il faut se connaître.
La troisième chose d'Eric qui est exceptionnelle, c'est qu'à un moment donné, il a bien clairement défini sa vision et une fois qu'il a défini sa vision, il l'a poursuivie sans relâche et il a fait des concessions. Il n'a pas gagné sur tous les points mais il savait c'était quoi le plus important pour lui et là, il a foncé.
Esther : On va revenir sur l'importance de la vision dans un instant mais d'abord, j'aimerais qu'on remonte dans le temps, c'est-à-dire à l'origine de l'entreprise, au moment où un entrepreneur en vient à créer sa propre entreprise. Comment, justement, on peut savoir qu'on est prêt à démarrer son entreprise, qu'on en est là dans notre vie professionnelle?
Helen : C'est une bonne question parce qu'il y a une étape à passer, de quand on va de « je vais pratiquer moi-même » versus « je vais recruter une équipe et je vais y aller avec une équipe », « je veux être un individu qui fait ma propre profession libre » ou « je vais aller avec d'autres et créer ». La prochaine étape, ce n'est pas tout le monde qui veut la prendre, il faut se demander: « Est-ce que je veux le faire? » Premièrement, bigger n'est pas toujours better. On peut décider de: « Pour ma vie, pour moi, pour mes priorités, rester comme je suis, c'est ce que je vais faire. » Je peux exercer ma profession sans m'entourer avec d'autres, sans embaucher du monde. Donc ça, c'est une vraie première question à se poser. Éventuellement, il y a une équation à faire. C'est qu'on remarque que le temps qu'on passe sur des activités à faible valeur ajoutée, ça nous bouffe trop de notre temps et ça ne nous aide pas dans notre atteinte de nos objectifs. Mais là, on se dit: « Quels leviers je peux utiliser? » Alors, on peut faire une analyse, dire: « OK, je regarde le temps perdu, je regarde c'est quoi l'opportunité que j'ai perdue?
On n'a pas utilisé ce temps-là à faire autre chose qui est plus lucratif. Est-ce que ça vaut le salaire d'une personne que je peux embaucher? » Et ça, c'est en plus une équation plus mécanique mais il y a aussi l'équation que c'est clair que l'innovation, la co-création, ça génère plus d'idées quand on met des idées ensemble. Alors, il y a cette magie qui arrive quand on met des équipes que un plus un plus un, ce n'est peut-être pas trois, mais ça fait plus que trois. C'est ça qu'on peut rechercher également.
Esther : C'est visiblement une grosse décision que celle de démarrer son entreprise. Alors, allons-y avec les choses à éviter quand on décide de faire le grand saut. Prenons l'exemple d'un agent immobilier qui est à la recherche de soutien administratif ou encore un courtier qui décide d'ouvrir son propre bureau pour diriger une équipe d'agents immobiliers. Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que font les dirigeants à leurs débuts?
Helen : Savoir comment déléguer, savoir quelle partie de ma tâche je voudrais donner à cette personne-là, comment je le fais et comment je permets à l'autre personne que je viens d'embaucher à le faire un peu de sa façon. Donc, il y a les deux choses: il y a déléguer et lâcher prise. C'est comment je vais utiliser cette personne-là à son maximum? La tendance au début, le contrôle est très présent et on essaie un peu de dire exactement comment on aime faire les choses. Mais là, le risque, c'est qu'on ne permet pas à cette personne-là à s'épanouir, se développer, grandir et ça, si on veut la retenir, c'est une chose importante avec ces gens-là. Alors, ce qui est important, souvent, au lieu de contrôler le comment, c'est mieux de dire: « Voici mes attentes, voici les standards que je veux m'établir » et un peu laisser plus de marge de manœuvre à la personne sur le comment elle va y arriver.
Une autre erreur qui arrive, c'est qu'on se sent des fois comme si on devait avoir toutes les réponses. Ce n'est pas le fait que c'est nous qui sommes l'entrepreneur qui commençons. J'encourage tout le monde à engager des discussions et, co-créer avec les personnes qu'on s'entoure ensemble pour essayer de trouver les réponses qui sont les plus adaptées. Et finalement, c'est aller par étape. C'est important. Souvent, on a une tendance à se projeter vite dans le futur et la roue commence à tourner. C'est vraiment aller par étape et ne pas laisser la perfection devenir un frein.
Esther : Donc, éviter ce qu'on appelle le micromanagement.
Helen : Oui. Ne pas vouloir tout faire à sa façon, de penser que quand on fait les choses à sa façon, c'est la façon parfaite.
Esther : Comment justement on doit s'y prendre pour que notre équipe soit arrimée à notre vision ou à nos valeurs? Comment on peut communiquer d'abord sa vision et amener notre équipe à adhérer à cette vision-là?
Helen : Juste une parenthèse, je dirais que c'est autant important pour le leader lui-même de savoir c'est quoi ses valeurs, sa vision en tant que leader que ce l'est pour l'entreprise. En partant maintenant sur ta question sur l'entreprise, comment la communiquer, la partager? Il y a plusieurs instances. Premièrement, c'est dans le recrutement. Quand on connaît nos valeurs, quand on connaît ce qui est important pour nous, on voit si la personne adhère à ce genre de modèle, si elle reflète ces valeurs. Dès le départ, il faut commencer par ça, il faut voir si ça accroche. La deuxième chose, c'est qu'il faut développer des fois un narratif. Les gens adhèrent à des histoires, les gens adhèrent à une vision, les gens adhèrent à: « Qu'est-ce qui pourrait être? » Alors, c'est de développer un peu le narratif autour du pourquoi de l'entreprise, qu'est-ce qu'on voudrait atteindre? C'est important à le développer, c'est important à le répéter et comme ça, ça devient un peu une partie pour y adhérer. Une autre façon, c'est aussi dans son comportement au quotidien, la façon qu'on traite les gens, la façon entre nous, nos clients.
On ne peut pas être avec nos clients d'une façon et traiter nos employés d'une autre façon. Ce n'est pas cohérent, les gens le voient tout de suite. Si on a une valeur de respect humain, il faut le faire à travers. Et finalement, c'est si quelqu'un pose une action, si son comportement n'est pas à la hauteur des valeurs ou s'il va contre les valeurs, il faut le dire, you have to call it out.
Esther : Je me demandais de façon concrète s'il y a des trucs pour les gens qui nous écoutent, les courtiers immobiliers qui nous écoutent pour faire en sorte que l'équipe soit inspirée et motivée par la vision qu'on veut projeter, qu'on a à long terme. Est-ce qu'il y a des exercices qu'on peut faire? Comment faire en sorte que les membres de notre équipe se sentent des parties prenantes de notre vision?
Helen : C'est super important. Ce n'est pas par hasard, ce n'est pas pour des raisons bureaucratiques que les plus grosses entreprises s'engagent régulièrement dans des exercices stratégiques, et c'est des exercices où ils se posent ensemble, tout le leadership, pour déterminer: « C'est quoi notre vision commune et le concret? » C'est tout le monde qui contribue: « So, on pense à ce qu'on veut à long terme. » Alors, ils construisent un plan à long terme, cinq ans, après, ils amènent ça dans un plan stratégique à trois ans, après, ils ramènent ça à un plan opérationnel par année: « Comment est-ce que ça va décliner? Quels sont nos objectifs pour réaliser à cette année? » Alors, même si on est une toute petite entreprise, l'exercice est quand même valide, l'exercice de s'asseoir avec son équipe et dire: « OK, on est ensemble, nous, on veut créer quelque chose ensemble, c'est quoi notre vision? » Et les gens participent, on fait ça régulièrement: « Une fois qu'on a défini notre vision, comment on y arrive? » Et après, ça se traduit dans des objectifs concrets: « Qui veut réussir quoi et comment on va rémunérer les gens en conséquence? » Alors, la co-création de cela est un des vecteurs les plus importants mais si on le fait dans un coin de table et puis on le diffuse à l'équipe, c'est un PowerPoint qui va se mettre dans la tête avec les autres.
Esther : Ce n'est pas la meilleure idée d'y aller en PowerPoint pour communiquer sa vision et amener l'équipe à se sentir partie prenante. Je le disais d'entrée de jeu, la question qu'on se pose aujourd'hui dans cette balado, c'est comment votre entreprise peut devenir un effort d'équipe? Et je veux justement vous entendre sur l'équipe. Quelles sont les caractéristiques générales d'une équipe qui est solide? Comment vous reconnaissez une équipe forte?
Helen : Pour répondre à cette question, je me fie à une étude qui a été faite par Google. Alors Google en 2011, ils ont décidé de répondre exactement à cette question-là. Ils ont dit: « On a plein de data, on a des équipes de partout, on peut faire des recherches sur tout, comment pouvons-nous trouver la réponse à cette question? » Ils ont fait une méta-analyse de tous les publications universitaires qui étaient faits sur la question pour essayer de trouver c'est quoi les traits communs qui en ressortent. Ils avaient 180 équipes au sein de Google où ils ont analysé, ils ont posé la question: est-ce que c'est des traits de personnalité? C'est quoi la composition de ces équipes qui fait la différence? Est-ce que c'est leur niveau d'éducation qui fait la différence? Est-ce que c'est la façon qu'ils communiquent qui fait la différence? Alors, ils ont trouvé les choses un peu standard comme: il faut des objectifs clairs, il faut des collègues qui sont fiables, il faut que le travail soit personnellement gratifiant aux membres de l'équipe et il faut que les gens aient une conviction que leur travail a de l'impact.
Mais, c'est le cinquième facteur qu'ils ont trouvé qui fait la différence entre une équipe banale et une équipe exceptionnelle. C'est quelque chose qui s'appelle la sécurité psychologique au sein de l'équipe. La sécurité psychologique, c'est quelque chose qui a été étudié par une professeur de Harvard et elle a publié une étude sur l'impact de la sécurité psychologique en étudiant des équipes dans des salles d'opération pour voir quelle équipe, entre médecins et infirmières, fonctionnait le mieux pour avoir le moins de nombre de mortalité ou de problèmes. Ce qu'elle a trouvé, c'était cet élément-là. C'est ça le clé. Et ce que ça veut dire la sécurité psychologique, c'est un climat de travail au sein de l'équipe où il y a une confiance et un respect mutuels entre les gens de façon qu'ils puissent s'exprimer sans avoir peur d'être critiqués ou rejetés. Ça ne veut pas dire qu'ils sont tous gentils les uns avec les autres mais ça veut dire qu'ils sont capables d'exprimer leurs désaccords, leurs différences, leurs points de vue sans se sentir qu'ils doivent se renfermer sur eux et se taire peu importe s'ils sont le patron de l'équipe ou pas le patron.
Helen : Alors, c'est cet élément-là qui est un peu la sauce secrète des équipes. Ça a été étudié depuis. Je vous encourage si vous aimez lire des articles, ça a été publié dans le New York Times. Il y a un article de Charles Duhigg qui a été publié en 2016 qui parle de ça, c'est assez incroyable à lire.
Esther : Helen, je veux vous entendre sur la diversité parce que c'est le grand défi de l'heure — diversité d'âge, d'origine, appartenance ethnique — Comment la diversité au sein d'une équipe contribue justement à la renforcer? Ça a été prouvé que c'est un facteur qui bénéficie énormément, non seulement à l'équipe, mais au rendement.
Helen : Ce qui me frappe, c'est que, en tant qu'être humain, on n'aime pas l'inconfort qui vient avec l'inconnu. Donc, il y a une chose à dire qu'on veut la diversité et qu'on remplit les sièges autour d'une table avec des gens qui sont de différents sexes, de différents couleurs que nous, mais est-ce qu'on crée un climat encore une fois de sécurité psychologique où ces gens-là se sentent à l'aise à s'exprimer? Et est-ce qu'on les écoute vraiment à comprendre leurs points de vue et d'où ils viennent? C'est ça la clé. C'est là où l'emphase doit être. Oui, il faut inviter la diversité, mais si on continue à ne pas s'ouvrir, ça ne sert à rien. Donc, c'est vraiment cette ouverture-là qui nous permet de bénéficier de ces perspectives différentes.
Esther : Sur la formation, parce que c'est important aussi de maintenir les effectifs à niveau, quand on est dans une équipe, on veut la faire progresser, on veut la faire avancer, on veut la perfectionner. Le domaine de l'immobilier, on le sait, est un domaine qui est en pleine effervescence, on imagine le quotidien des courtiers immobiliers très chargé. On disait c'est du 24 sept, il faut toujours être disponible, c'est extrêmement exigeant, comment on peut s'y prendre pour offrir des occasions de perfectionnement professionnel dans un environnement de travail où tout le monde fonctionne à plein régime, ou tout va vraiment très vite?
Helen : C'est le défi dans le domaine immobilier, c'est le défi dans plein de domaines en ce moment. Il faut prendre le temps. Si on offre une formation standard à tout le monde, c'est correct et les gens vont en tirer ce qu'ils ont à tirer mais l'idéal, c'est vraiment de comprendre les besoins de chacun et les aspirations de chaque membre de notre équipe pour voir qu'est-ce qui est mieux adapté, et ce n'est pas forcément juste des formations où on s'assoit et on prend des notes quand quelqu'un nous parle, ça peut être des rencontres qu'on peut encourager, ça peut être du mentorat, ça peut être du coaching. Il y a plein de différentes façons à faire progresser quelqu'un. Et donc, à la fin de la journée, c'est de comprendre c'est quoi les aspirations des individus et de faire quelque chose qui soit adapté à ça. Mais malgré tout ça, la clé, c'est prendre le temps de le faire parce que souvent, on met ça à la dernière, on veut closer le deal. Ça, ça prend le devant toujours. Si on ne sort pas du tapis roulant de temps en temps pour lever la tête et regarder où on veut aller, on se perd.
Esther : Pour conclure sur l'équipe, ça peut arriver aussi qu'un membre de notre équipe ne fasse pas l'affaire, ne s'intègre pas bien au reste du groupe. Comment on peut reconnaître ça? Autrement dit, où tracer la ligne au-delà de laquelle on doit laisser aller un membre de notre équipe?
Helen : Ça revient un peu au début de notre conversation, quand on a parlé de mon beau-père et que ça, c'était une de ses faiblesses: il n'arrivait pas à tracer cette ligne et ça nui quand tu laisses traîner les choses trop longtemps. Pour répondre à ta question, il y a deux aspects. Premièrement, il y a des façons objectives à savoir si la personne ne cadre pas. C'est toujours bien, on a des objectifs à atteindre et si on ne les atteint pas, si nos livrables ne sont pas là où ils devraient être et si on a des discussions, on essaie de corriger ça et ça ne marche pas, il faut tracer une ligne à un moment donné. Il faut le faire en sachant qu'on n'aide pas la personne nous-mêmes qui toujours se sent en sous-performance.
Et la deuxième façon, l'autre façon de tracer la ligne, c'est très subjectif. Des fois, on a le sentiment que ça ne marche pas, on voit que les valeurs ne collent pas, on voit que les comportements ne sont pas bons. Mais là, c'est important d'observer et vraiment de prendre le temps d'observer, même de noter qu'est-ce qu'on voit et qu'est-ce qu'on sent. Un, c'est bien toujours de donner de la rétroaction à la personne pour lui donner la chance de s'améliorer, mais si ça ne va pas, il faut arrêter parce que si on pense vraiment que ce qui est important dans une équipe, c'est aussi que tout le monde fonctionne ensemble, qu'on peut compter les uns sur les autres, qu'il y a la sécurité psychologique, etc., une personne qui va contre les valeurs, qui ne se comporte pas bien, vient casser tout ça. Alors l'impact a des effets un peu partout.
Esther : Et pour les membres de l'équipe avec qui ça va bien justement, quels sont vos trucs pour assurer la cohésion des membres du groupe? J'imagine qu'il faut investir du temps, favoriser la communication, rester en relation. Qu'est-ce que vous recommandez pour assurer l'harmonie au sein de l'équipe?
Helen : Tout ça, il faut faire parce qu'à la fin de la journée, on est des êtres humains et on a un besoin d'appartenir. Pour sentir qu'on appartient quelque part, qu'on est bienvenu quelque part, il faut qu'on soit un peu compris. Donc, oui, c'est passer du temps ensemble, mais pas juste du temps de business. On peut parler d'objectifs, parler de rendement, parler des profits, qu'est-ce qu'on veut, mais aussi prendre un peu de temps pour s'intéresser à la personne: qu'est-ce qui les motive, qu'est-ce qui se passe dans sa vie, connaître la personne parce que si quelque chose va mal, c'est sûr ça qu'on va puiser, c'est comme un réservoir qui nous permet de puiser quand les choses vont mal pour en tirer le plus. Ça construit les liens. En fait à la base, c'est la confiance qui se crée en faisant ça. Alors, on s'intéresse au monde, on s'intéresse à leurs aspirations, on intègre les membres, on les engage dans la co-création de qu'est-ce qu'on veut faire en tant qu'équipe, comment est-ce qu'on veut se comporter en tant qu'équipe, c'est quoi notre vision.
La communication, c'est super important et le temps de célébration, ça aide. Ça nous a beaucoup manqué pendant cette période de Covid.
Esther : L'importance de se regrouper, de se retrouver, ça aide aussi à l'esprit d'équipe, évidemment.
Helen : C'est clair. Quelqu'un va faire plus pour nous des fois et on va faire plus pour eux si on se connaît vraiment humainement, à la base.
Esther : J'aimerais, en terminant, y aller sur une note concrète. Si vous n'aviez qu'un seul conseil à donner aux gens qui nous écoutent, aux courtiers immobiliers, pour les aider à devenir des dirigeants plus forts, qu'est-ce que vous leur diriez?
Helen : On est super occupés, c'est vrai, c'est toujours go go go, on a toujours des listes de choses à faire, il y a toujours quelque chose qui nous attend mais non seulement ça, on a une attention qui est tirée dans plein de directions. Et ça, c'est pour juste notre mode de vie, juste nos écrans qui nous appellent, juste les nombres de messages qu'on reçoit, notre attention, les ping, les bing, on a toujours son téléphone, et encore une fois, il y a eu des études sur ça: à quel pourcentage du temps est-ce que les gens passent à être distraits? Et cette étude-là, ce qui est intéressant, ça a été fait avant l'introduction du iPhone, avant 2007 ou 2008, je pense que c'était en mi années 2000. Ils ont trouvé que les gens passent 47 % de leur temps distrait. Ça veut dire que la moitié du temps qu'on parle avec quelqu'un, il ne nous écoute pas. On est sollicités par autre chose. Alors, pour revenir au conseil, c'est de faire un effort conscient, de s'arrêter, de lever la tête et de regarder la direction qu'on veut aller.
Ce n'est pas les événements qui nous apportent, c'est qu'est-ce qu'on veut pour nous en tant que leaders, comment est-ce que je veux être en tant que personne. C'est vraiment de sortir du tapis roulant, d'éteindre tous les appareils et de faire l'exercice de la vision personnelle que j'ai pour moi. Ça peut devenir comme ton étoile du nord que tu peux suivre. C'est ça mon conseil.
Esther : Donc, se sortir du tourbillon, s'élever et regarder droit devant.
Helen : C'est très bien dit.
Esther : Je vous remercie vraiment beaucoup d'avoir partagé vos connaissances en leadership avec nous. Certainement que vos lumières sont très éclairantes pour les courtiers immobiliers qui nous écoutent aujourd'hui. Merci beaucoup Helen.
Helen : Merci Esther.
Esther : Je tiens à vous remercier, les auditeurs et auditrices, d'avoir été avec nous. Je vous invite aussi à partager ce balado avec votre entourage, avec votre réseau. Je vous rappelle aussi que c'est toujours possible de vous abonner à EN DIRECT, que les saisons un et deux sont toujours disponibles et que vous pouvez donc les écouter en tout temps en rattrapage. Esther Bégin qui vous remercie, je vous dis: « Portez-vous bien et à bientôt. »